Artio


Artio est une Déesse dont le culte a notamment été attesté en Suisse, à Muri dans le canton de Berne (CIL 13, 05160 ; Germanie Supérieure). C'est à cet endroit que la statuette de bronze ci-dessous lui a été dédiée. Elle porte l’inscription latine « Deae Artioni Licinia Sabinilla » (Pour la Déesse Artio, par Licinia Sabinilla).
Source : Wikipédia, utilisateur : Sandstein
En étudiant le nom de la dédicataire, on comprend que cette dernière était citoyenne romaine. En effet, elle porte les duo-nomina (nom de la gens/gentilice et surnom/cognomen) avec des noms latins.

D'AUTRES DEDICACES EN ALLEMAGNE

D'autres dédicaces à Artio ont été retrouvées en Allemagne :à Ernzen (CIL 13, 04113 ; Gaule Belgique), Daun (CIL 13, 04203 ; Gaule Belgique) et Stockstadt am Main. (CIL 13, 11789 ; Germanie Supérieure). En effectuant une étude onomastique sur ces inscriptions on remarque les choses suivantes :
  • les inscriptions de Ernzen et Daun, respectivement « Artioni / Biber » et « Artio Agritius », mentionnent le nom de la Déesse ainsi que le nom du dédicataire sous la forme d'un nom unique. Biber et Agritius auraient donc été des pérégrins : des habitants libres d'une province romaine ne possédant pas le statut de citoyen romain. (Beck, 2009)
  • l'inscription de Stockstadt mentionne un dédicataire possédant les tria-nomina, donc un citoyen romain.
UNE DÉESSE ADORÉE PAR (AU MOINS) DEUX PEUPLES CELTES

Montage réalisé à partir de l'application Google Maps
La carte ci-dessus est un montage rapide reliant les différents lieux où ont été découvertes des inscriptions dédiées à la Déesse. Je souhaitais avoir une idée, même approximative, des lieux dans lesquels Elle était adorée. Il est plus que probable que la situation réelle du culte d'Artio ait été très différente puisque je n'ai fait que relier grossièrement les lieux où des inscriptions ont été effectivement retrouvées.

Si l'on peut croire, à première vue, qu'Artio est une Déesse germano-celtique du fait de sa présence en « Germanie supérieure » et en « Gaule Belgique », il n'en est rien. Son nom est manifestement gaulois. De plus, les inscriptions ont été retrouvées sur les territoires de deux peuples celtes : les Helvètes et les Trévires.

ARTIO ET ARTÉMIS ?

Miranda Green considère Artio comme une Déesse de l'abondance, protectrice des ours (contre les chasseurs) et des humains (contre les ours). D'autres (Guirand, 1994) en font une Déesse de la chasse, la comparant ainsi avec la Déesse grecque Artémis que plusieurs mythes, pratiques helléniques voire même le propre nom relient à l'ours.

Morgan Daimler du blog « Living Liminally » a une vision intuitive d'Artio que je trouve particulièrement intéressante. La Déesse est venue à elle alors qu'elle cherchait un guide pour sa pratique du Seiðr. Si vous êtes anglophones, je vous conseille de lire l'article sur son blog où elle décrit sa rencontre avec Dame-Ourse :
« Quoique, je dirais aussi que mon expérience personnelle avec Elle prouve qu'Elle peut être à la fois tendre et protectrice mais aussi très intense. Je l'ai rencontrée dans le monde des esprits et j'ai été, par exemple, démembrée ; pourtant j'ai aussi été guérie. Je l'ai vue dans sa forme d'ourse, me charger en rugissant au point que j'étais trop terrifiée pour bouger ou même penser. Or Elle a aussi été très gentille avec moi. »
                          (Morgan Daimler, Woden's Wandering Witch ; ma traduction )

A la suite de cette rencontre, la Déesse lui a demandé de pratiquer le Seiðr en se couvrant la tête d'une peau d'ours. Les commentaires de l'article sont tout aussi intéressants puisqu'ils décrivent une Déesse très protectrice, surtout pour les personnes ayant besoin de « réconfort, de force et de guidance » et les femmes enceintes.

Ici, les traits communs entre Artio et Artémis sont multiples :
  • Guérisseuse (ou Initiatrice ?)
  • Protectrice des femmes enceintes
  • La peau d'ours que revêtent certains pratiquants lors de rites (Walbank, 1981)

ARTIO, UNE DÉESSE DE LA SOUVERAINETÉ ?

Cependant, cela ne fait pas l'unanimité dans la communauté scientifique et la perception que les anciens celtes avaient d'Artio reste inaccessible.

Guyonvarc'h et Le Roux écrivent dans « La civilisation celtique » : 
« S'il existe à Berne une déesse Artio, ce n'est pas du tout parce que les anciens Helvètes de l'endroit se sont pris pour des descendants d'ours ou parce qu'ils ont pensé que leur divinité protégeait les plantigrades, mais tout simplement parce que l'ours est, comme en témoigne aussi le nom du roi Arthur, un symbole royal, à côté du sanglier, symbole sacerdotal ».
Cela nous donne un autre éclairage sur cette Déesse qui, longtemps considérée comme la Déesse protectrice des ours, pourrait bien avoir des fonctions de Déesse de la souveraineté à l'instar des Déesses Epona (Gaule) ou Rigantona (Grande-Bretagne). L'ours étant un symbole de la royauté guerrière.

Le canton de Berne, où a été découverte la statuette dédiée à Artio, a toujours l'ours pour blason, en souvenir de l'animal tué par le fondateur de la ville du même nom en 1191 :
« Le duc Bertold V de Zähringen a fondé la ville au bord de l'Aar en 1191 et l'aurait nommé d'après le nom de l'ours (Bär en allemand) qu'il avait tué. » Image et texte : © Wikipédia




Mais qu'entend on par Déesse de la souveraineté ?

Les Déesses de la souveraineté assuraient l'initiation et la légitimité du roi, la protection de son territoire (notamment par la guerre) ainsi que l'abondance et la richesse de celui-ci. Elles ont donc un aspect guerrier indissociable de leur aspect prospérité. Peut-être est-ce là une piste pour mieux connaître Artio ?

D'AUTRES DIVINITÉS « URSINES » ?

Artio n'est pas la seule Déesse dont le nom dérive du mot « artos ». C'est aussi le cas de certains Dieux. Ainsi a t-on découvert à Beaucroissant en Isère une inscription dédiée à Mercure Artaios (ou Artaius selon les auteurs) par un citoyen romain (CIL 12, 02199 ; Gaule Narbonnaise).

Des amulettes en jais sculptées en forme d'ours ont aussi été retrouvées en Grande-Bretagne dans des tombes, tandis que des griffes et des dents d'ours ont été exhumées dans plusieurs sépultures ardennaises de l'ère La Tène (Beck, 2009). Peut-être s'agissait-il d'une protection pour le voyage vers l'autre-monde ?

Mais la Déesse qui semble avoir le plus de points communs avec Artio est Andarta dont le nom signifie « Grande/Puissante Ourse ». C'est dans le sud de la France (autour de la ville de Die, dans la Drôme) que le culte de cette Déesse a été attesté par près d'une dizaine d'inscriptions. Andarta reçoit, dans plusieurs inscriptions, l'épithète « auguste » indiquant que son culte faisait partie du culte officiel de l'empire.

Bibliographie :

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